Comment savoir si on est rigoureux… ou rigide ?
- Xavier HOVASSE
- 30 mai
- 3 min de lecture

La rigueur est une qualité largement valorisée, notamment dans le monde professionnel. Elle inspire confiance : elle évoque la fiabilité, le sérieux, le souci du détail et une méthode de travail structurée. Une personne rigoureuse ne laisse rien au hasard : elle planifie, elle vérifie, elle structure. C’est souvent vers elle que l’on se tourne lorsqu’il s’agit de gérer un dossier sensible ou un projet complexe, car on sait qu’elle ne le prendra pas à la légère.
Mais cette rigueur, aussi vertueuse soit-elle, peut parfois être mal perçue. Il arrive qu’on la confonde avec… de la rigidité.
Et là, tout change.
Quand la rigueur bascule dans la rigidité
Être rigide, ce n’est pas être rigoureux. La rigidité est plutôt perçue comme un défaut : une forme de fermeture, une incapacité à s’adapter, un attachement excessif aux règles, aux procédures, aux modèles figés. Le rigide applique sans discernement, sans tenir compte du contexte. Il suit les instructions, même quand elles ne sont plus pertinentes. Il s’accroche à la méthode, même quand elle ne sert plus le but.
Les conséquences sont bien réelles :
perte de temps à vouloir tout cadrer sans nuance,
incompréhension face à l’évolution d’un projet,
frein à l’innovation ou à la collaboration,
sentiment d’étouffement dans les équipes.
Dans un environnement mouvant, comme celui des projets ou du travail d’équipe, cette rigidité peut vite devenir un obstacle. Car si les règles rassurent, elles peuvent aussi enfermer.
Une frontière subtile, mais essentielle
C’est là que réside toute la difficulté : la frontière entre rigueur et rigidité est parfois ténue. D’autant que dans les faits, les comportements rigides peuvent donner l’illusion d’un grand sérieux. Alors, comment savoir où l’on se situe ? Comment faire la part des choses entre une posture exigeante… et une posture fermée ?
Ce que m’a appris la gestion de projet
S’il y a un domaine où cette question se pose tous les jours, c’est bien celui de la gestion de projet. On y parle en permanence de structure, de méthode, de processus. On y planifie, on y anticipe, on y suit l’avancement. Et pourtant… on y valorise de plus en plus l’agilité.
Cette méthode, très en vogue, ne consiste pas à faire n’importe quoi sans cadre : elle vise à s’adapter rapidement et intelligemment aux changements inhérents aux projets. Car dans la réalité, un projet ne se déroule jamais exactement comme prévu. Il évolue. Il surprend. Il bouscule.
Mais attention : être agile ne veut pas dire abandonner toute rigueur. L’agilité bien comprise repose elle aussi sur des principes, sur une discipline, sur une capacité à s’organiser. Loin d’être opposées, agilité et rigueur sont complémentaires.
Le critère décisif : suivre l’esprit ou la lettre ?
Alors, comment savoir si l’on est rigoureux ou rigide ?Il existe, selon moi, un critère simple et décisif.
En gestion de projet, on travaille souvent à partir de méthodes formalisées, de standards, de bonnes pratiques. Elles sont là pour nous guider, poser un cadre commun, éviter les erreurs classiques.
Mais tout dépend de la manière dont on les applique :
Celui qui est rigide va chercher à appliquer à la lettre les modalités prévues, même si elles ne sont pas adaptées à la situation.
Celui qui est rigoureux va respecter l’esprit du principe… mais ajuster les modalités selon le contexte, les enjeux, le niveau d’incertitude ou la complexité du projet.
Prenons un exemple :Le principe de base veut que l’on définisse un projet avant de le lancer. Très bien.Mais la façon de le faire peut varier :
Sur un grand projet complexe, on prendra le temps de détailler chaque axe, chaque livrable, chaque dépendance dans un cadre très structuré.
Sur un petit projet simple et maîtrisé, une fiche synthétique ou une réunion de cadrage peut suffire.
Dans les deux cas, on respecte le principe de définition préalable. Mais seul le rigoureux saura adapter la forme à la finalité, là où le rigide exigera systématiquement le respect du modèle initial, même s’il devient contre-productif.
Conclusion : Rigueur ≠ Rigidité
Être rigoureux, ce n’est pas suivre des règles aveuglément. C’est comprendre pourquoi elles existent, et choisir consciemment comment les appliquer intelligemment. C’est faire preuve d’exigence sans s’enfermer dans des automatismes.
Dans un monde où les repères changent sans cesse, la vraie force ne réside pas dans la rigidité… mais dans la capacité à rester structuré tout en restant mobile.
La question n’est donc pas : “Suis-je assez rigoureux ?”, mais plutôt :“Suis-je capable d’ajuster mes méthodes sans trahir mes principes ?”
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